10 novembre 2021

Mary Clara Batchelor, responsable des contrats de MB92 Group

Forte d’une large expérience dans le secteur du yachting, avec de multiples postes à terre et à bord, Mary partage avec nous son point de vue sur la perception des genres dans cette industrie, les défis que sont le maintien de l’équilibre entre famille et carrière, ainsi que ses espoirs pour l’avenir.

Qui ou qu’est-ce qui vous a poussée à vous engager dans cette carrière et à arriver là où vous en êtes aujourd’hui ?

C’est plutôt une série d’événements et d’expériences qui m’ont conduite sur cette voie. J’avais étudié les langues et la linguistique, et j’avais passé du temps dans différentes villes européennes. L’Espagne, et en particulier la Catalogne, présentait un intérêt particulier dans ce contexte. De plus, j’avais grandi au bord de l’eau, j’y ai passé une grande partie de mon temps libre (voile, natation, ski nautique, canoë, etc.).

Barcelone semblait être un endroit idéal pour m’installer pendant quelques années, car la ville combine ces deux atouts pour moi. J’ai commencé à y naviguer, comme un passe-temps, puis j’ai participé à des régates. De là, j’ai commencé à donner des coups de main pour du transport et des croisières courtes pendant les vacances d’été. L’homme qui deviendra plus tard mon mari (capitaine de superyacht et double champion d’Espagne de voile) a eu une grande influence sur mon entrée dans cet univers.

Mon hobby est devenu un choix professionnel suite à une série d’événements qui ont bousculé ma vie (parmi lesquels la mort de mon plus jeune frère) et qui m’ont amenée à l’époque à réévaluer mes priorités. J’ai décidé de quitter mon travail d’alors et de naviguer à plein temps. Cela m’a permis de satisfaire mes envies de voyage et mon désir d’apprendre, d’étudier d’autres cultures, d’autres langues, de sortir de ma zone de confort.

Après quelques années à travailler sur un superyacht à voile, j’ai eu l’occasion de m’impliquer sur une construction. Grâce à mes compétences linguistiques, je suis devenue responsable des relations avec les fournisseurs internationaux. Quelques années plus tard, on m’a proposé un emploi pour un autre projet de construction. Du fait de cette expérience, j’ai continué à assurer la liaison avec les fournisseurs internationaux, en travaillant à la fois avec le service technique et le service achats du chantier naval. Peu de temps après, encore une fois en raison de mes compétences linguistiques, on m’a demandé d’assister le service commercial. J’ai commencé à participer à des salons nautiques, à des événements de relations publiques et d’autres missions dans le genre. De là, je suis passée à la vérification des contrats, en parallèle je m’impliquais davantage sur les aspects commerciaux.

Alors que, suite à la naissance de mon premier enfant, je réfléchissais aux questions de garde, j’ai parlé avec mon employeur de me mettre à mon compte, en prenant le chantier comme client. Ils ont accepté bien que j’ai expliqué que ce serait une relation non exclusive. Nous avons signé un accord de confidentialité qui incluait l’obligation de ne pas mener le même type de travail pour d’autres clients. Au moment où je trouvais de nouveaux clients, j’élargissais mon champ professionnel à la traduction de manuels d’équipements nautiques et d’articles de magazines spécialisés. J’étais aussi courtière pour les loueurs et pour leurs clients, et je travaillais comme intermédiaire entre les fournisseurs internationaux et les chantiers navals locaux. En parallèle, je continuais à réaliser des missions commerciales pour le tout nouveau chantier naval (évènements professionnels, salons nautiques, révisions de contrats, etc.).

Nous devons continuer à soutenir résolument les femmes dans le monde du travail afin qu’elles atteignent le même niveau de responsabilité que les hommes.

Après plus de 6 ans de travail indépendant, on m’a proposé un poste chez MB92. Lorsque mon deuxième enfant a lui aussi été en âge d’être scolarisé, j’ai décidé que c’était le moment de donner un nouveau virage à mon parcours et d’élargir encore plus mon expérience au sein du secteur, en intégrant cette fois le domaine du refit. Cela fait plus de 10 ans et j’y suis toujours.

 

Y a-t-il eu des obstacles sur ce parcours ? Et, si oui, pourriez-vous les décrire ?

Dans tout secteur d’activité à prédominance masculine, il arrive au début que les femmes ne soient pas prises autant au sérieux que les hommes (c’était plus le cas par le passé qu’aujourd’hui). Les femmes doivent souvent travailler deux fois plus dur pour que leurs collègues et les clients reconnaissent leurs compétences et de leur expérience. Je me souviens du représentant d’un fournisseur américain de groupes électrogènes disant une fois (après de longues discussions sur les problèmes d’équipements pour les projets en cours) qu’il était agréablement surpris de découvrir qu’il pouvait parler du sujet dans ses moindres détails avec une femme.

On s’attend traditionnellement à ce que les femmes soient plus fragiles que les hommes et on leur demande de gérer les aménagements intérieurs, les aspects pratiques, ou simplement de rester au bureau. Souvent on observe ces préjugés à la fois à bord et au bureau (encore une fois, c’était bien plus le cas avant qu’aujourd’hui).

De la même manière, on laisse souvent aux femmes la charge de choisir de fonder une famille ou non, avec ce que cela implique sur les choix de carrière.

Et si on choisit de fonder une famille, l’éventuel besoin de garde d’enfants s’ajoute à l’impact de nos choix de carrière et aux autres problèmes auxquels nous sommes confrontées dans le domaine professionnel.

J’ai des enfants. L’équilibre entre les obligations familiales et professionnelles a eu un impact significatif sur mes choix au fil des ans.

 

Avez-vous un message ou un conseil pour  celles qui voudraient suivre vos traces dans cette industrie ?

Ne laissez personne vous dire que le monde des superyachts (ou n’importe quel domaine d’ailleurs) est un « monde d’hommes » ou que certains rôles sont réservés aux hommes. Les métiers ne doivent pas être définis par le genre. Si vous voulez le faire, faites-le. Ou au moins essayez, pour voir si c’est vraiment ce que vous voulez.

Les femmes doivent souvent travailler deux fois plus dur pour que leurs collègues et les clients reconnaissent leurs compétences et leur expérience.

Faites ce qui vous passionne, mettez à profit vos compétences mais sortez aussi de votre zone de confort. Saisissez les occasions d’apprendre et de développer de nouvelles aptitudes qui, en fin de compte, donnent du poids à votre CV.

Parlez à d’autres femmes qui ont fait des choses similaires aux vôtres. Non seulement vous apprendrez que vous n’êtes pas seule à avoir eu ces expériences, mais en plus vous pourriez y gagner de nouvelles perspectives dans la façon d’aborder votre objectif.

Il y aura toujours des difficultés et des préjugés auxquels il faudra faire face, qui ne sont d’ailleurs pas toujours liés au fait d’être une femme, mais ne les laissez pas être un frein à la carrière que vous avez choisie. Trouver comment relever ces défis et en faire des atouts est une compétence professionnelle en soi.

 

Quels progrès (s’il y en a) constatez-vous dans le secteur ?

Il y a effectivement eu des progrès au cours des 25 dernières années dans notre secteur. Chaque jour, de plus en plus de femmes assument des rôles-clés.

Cependant il existe encore, hélas, des préjugés conscients et inconscients, ainsi que des problèmes structurels qui sont parfois un obstacle au fait d’envisager certains choix de carrière ou certaines décisions professionnelles, sans que le genre ne soit un facteur. Nous devons continuer à soutenir résolument les femmes dans le monde du travail afin qu’elles atteignent le même niveau de responsabilité que les hommes.

 

À votre avis que faut-il faire de plus sur le lieu de travail ou plus largement dans le secteur ?

Nous devons soutenir ouvertement les femmes tout au long de leur carrière jusqu’à atteindre l’équilibre homme-femme. MB92 s’efforce d’y parvenir pour ses employés en favorisant, entre autres, l’équilibre travail-famille, ainsi que l’égalité des chances et des salaires. D’autres entreprises devraient emboîter le pas. De la même manière, des efforts similaires devraient être déployés à tous les niveaux en amont de l’embauche des femmes, en commençant par la formation.

 

Qu’espérez-vous pour l’avenir?

Voir mes enfants (une fille et un fils) grandir dans un monde où ils peuvent choisir librement ce qu’ils veulent faire de leur carrière ou de leur vie sans aucun préjugé, lié au genre ou autre ; un monde dans lequel chaque individu se demande si telle mission ou travail lui convient en tant que personne et non s’il s’agit d’un rôle généralement acceptable pour une femme ou un homme.

 

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